6 septembre 2024 Lecture : 7 mins

Les champignons magiques s’imposent progressivement comme une piste thérapeutique pour plusieurs troubles de la santé mentale. Après des résultats impressionnants sur la dépression et l’anxiété, il est naturel que les thérapies à psilocybine suscitent aujourd’hui des espoirs pour les personnes qui souffrent de TOC. Seul problème, ce trouble est encore mal connu et mal compris. Les médecins peinent à le diagnostiquer et beaucoup de gens ignorent pendant longtemps qu’ils en souffrent. Pourtant, au moins 2% de la population mondiale en souffrirait. Faisons le point sur les perspectives qui existent aujourd’hui.

Comprendre le TOC, un vrai défi !

Avant d’aborder les effets de la psilocybine sur le TOC, il faut déjà faire un premier arrêt pour comprendre ce qu’on entend par Trouble Obsessionnel Compulsif… Même les professionnels de la médecine semblent dans le flou : la définition peut changer d’un médecin ou d’un pays à l’autre, ce qui ajoute à la difficulté de diagnostic.

En plus, les médias ont essentiellement mis l’accent sur les routines répétitives comme les pressions successives d’un interrupteur… mais le problème est plus large et couvre un ensemble de symptômes assez différents.

Les manifestations du TOC

On reconnaît néanmoins le TOC par la récurrence des problèmes suivants :

  • La présence de pensée obsessionnelle, c’est-à-dire une pensée intrusive qui s’enracine et devient récurrente sans pouvoir la canaliser rationnellement.
  • La production de compulsions, qui sont des actions volontaires mais incontrôlables, destinées à faire baisser les angoisses issues des obsessions.
  • Des routines liées au désordre, à l’hygiène ou à la vérification répétée. 
  • Des idées de culpabilisation, de dévalorisation, des tendances dépressives, ou des pensées magiques (si tel phénomène se produit ça veut dire que je serai protégé de telle chose).

Pour faire plus simple, on pourrait dire que le trouble obsessionnel compulsif est comme un démon malicieux qui joue à faire douter. Douter de sa propre sécurité, de sa propre santé, ou de sa propre moralité. Le TOC nous dit qu’on est en danger. Alors, on met en place, de manière irrationnelle, des comportements pour contrôler ce danger. En vain, puisque le doute revient toujours jusqu’à détruire la qualité de vie.

Les obsessions au niveau cérébral

On connaît encore mal les éléments cognitifs qui provoquent ces phénomènes. Néanmoins, certains éléments permettent déjà de savoir que la production de sérotonine est directement impliquée dans ce trouble. On sait aussi qu’il existe une réponse erronée dans le cerveau au niveau du cortex cingulaire antérieur. Cette aire cérébrale joue un rôle dans la détection des erreurs. Chez les personnes qui souffrent de TOC, il semble que le cortex cingulaire antérieur détecte des erreurs qui n’existent pas et cherche à les corriger sans pouvoir réussir (puisqu’elles n’existent pas). S’ajoute un déséquilibre dans le cortex orbitofrontal qui amenuise la capacité à gérer des émotions. Il devient alors impossible de contrôler l’anxiété qui va nourrir le sentiment de vulnérabilité existant.

Les comportements compulsifs sont une tentative de réponse à cette boucle infernale d’anxiété.

L’effet de la psilocybine sur le TOC

Une retraite psilocybine procure des effets positifs sur la santé mentale

Puisque le TOC trouve ses racines dans la chimie cérébrale, la psilocybine est un candidat sérieux à l’amélioration des symptômes. Plusieurs essais cliniques sur l’effet de la psilocybine sur les TOCs ont démarré en 2023 et 2024. Ils montrent des résultats prometteurs dans la prise en charge de plusieurs troubles psychiatriques. Une étude publiée par l’Université de Yale donne quelques éléments de réflexion sur l’impact des champignons dans le traitement du TOC. 

Un patient résistant aux traitements classiques

Parmi un échantillon de patients, les scientifiques de Yale ont notamment suivi Daniel. Avant le début de l’expérience, il totalisait un score de 24 sur l’échelle YBOCS qui évalue l’intensité des symptômes. Un score qualifié de “Grave” dans la recherche médicale. Durant sa vie, les ISRS n’avaient jamais montré d’amélioration notable lui permettant de mettre à distance ses obsessions.

Comme dans une retraite psychédélique, Daniel a suivi une préparation, une cérémonie aux champignons magiques et un protocole d’intégration. Il a reçu 19,4 mg de psilocybine. 

Une mise à distance des obsessions

48 heures après l’ingestion, Daniel a perçu une nouvelle distance vis-à-vis de ses symptômes de TOC, les désignant comme moins envahissants. Il a trouvé plus facile d’arrêter les pensées obsessionnelles pour revenir à des activités normales. Chaque jour, les opportunités de se détacher des symptômes devenaient plus simples.

Là où il ne parvenait pas à traiter les informations émotionnelles du quotidien, entraînant des pensées obsessionnelles, il était désormais capable de reconnaître et gérer ses émotions pour passer à autre chose.

Un meilleur rapport à soi et aux autres

Douze semaines après le traitement du TOC par psilocybine, Daniel a expliqué qu’il ressentait une meilleure acceptation du trouble. Il n’occupait plus une aussi grande place qu’avant dans sa vie et qu’il n’en avait plus honte. Il ne culpabilisait plus et pouvait en parler autour de lui. Mieux encore, il se sentait capable soutenir sa femme et de communiquer plus efficacement avec elle. Il a aussi accepté un emploi dont il craignait qu’il soit trop stressant pour lui auparavant.

À douze semaines, son score YBOCS était passé à 0.

Evolution des symptômes sur 12 semaines après une thérapie par psilocybine

Est-ce que la psilocybine soignera le TOC ?

Ce témoignage ne signifie pas que la psilocybine peut soigner le TOC car on ne dispose pas encore du recul suffisant. Combien de temps durera l’amélioration de Daniel ? Aura-t-il besoin de reprendre de la psilocybine ? Difficile à dire. Il faudra d’autres témoignages et de plus amples études.

Mais l’histoire de Daniel donne une indication forte : il existe un espoir pour les patients atteints de cette maladie. Les champignons pourraient leur apporter un soulagement, temporaire ou non.

Faire une retraite psychédélique contre les TOCs

Les retraites psychédéliques légales aux Pays-Bas accueillent toutes sortes de démarches : quêtes spirituelles, quêtes personnelles, meilleure connaissance de soi ou recherche de nouvelles expériences.  Mais elles ne sont pas à proprement parler des retraites contre le TOC.

Pour quelle raison faire une retraite psychédélique ?

À la recherche d’un équilibre mental

Une retraite psilocybine procure un grand sentiment de relaxation et une réinitialisation émotionnelle favorisant l’équilibre mental. Ainsi la retraite psychédélique ne cherche pas à soigner le TOC mais à stabiliser le mental pour que chacun puisse travailler sur ce qu’il souhaite (trauma, dépression, alcoolisme). Pour y arriver, l’équipe de facilitateurs s’entretient individuellement avec chaque participant afin de préparer l’expérience psychédélique et de l’aider à mettre en mot les sujets sur lesquels il souhaite s’explorer.

Ensuite, les facilitateurs surveillent le trip aux champignons (aux truffes de psilocybine). Leur simple présence à côté des participants permet d’obtenir un sentiment de sécurité et de protection qui permet de lâcher prise et de laisser la substance agir.

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Une retraite pour s’accepter et progresser

Durant les jours et les semaines qui suivent, le participant réalise une intégration, sous forme de sessions de discussion à distance avec les facilitateurs. Ce processus sert à analyser son expérience psychédélique et à comprendre des éléments inconscients.

C’est au cours de cette période qu’il est possible d’agir. Car, en fait, c’est le participant lui-même qui va progresser à sa façon. C’est d’ailleurs pourquoi les personnes qui évoluent le plus favorablement sont en général celles qui suivent une thérapie avec un psychologue ou un psychiatre en complément de la retraite. La Thérapie Comportementale et Cognitive reste un très bon traitement au TOC, d’autant plus pendant la période d’influence de la psilocybine.

L’effet du voyage psychédélique

Les personnes qui participent à un voyage psychédélique encadré témoignent toutes, ou presque, d’une baisse des symptômes de stress, d’angoisse et une amélioration de leur humeur. Durant le trip, les champignons hallucinogènes modifient l’activité cérébrale en agissant sur les récepteurs de sérotonine. On voit plus clairement en soi-même et cet effet a des répercussions comportementales qui sont parfois bluffantes.

Des effets conscients et inconscients

Consciemment, on ressent des émotions fortes, on voit des images plus ou moins étonnantes : revoir son enfance sous forme de dessin animé, ne faire qu’un avec la nature, flotter dans des univers surréalistes… C’est différent pour chacun.

Inconsciemment, le système nerveux se reconfigure pour traiter les sources d’anxiété. C’est un peu comme si la psilocybine ouvrait des passages secrets dans le cerveau entre certains souvenirs et certaines émotions pour mieux les faire cohabiter.

Selon les personnes, il peut devenir possible de prendre de la distance avec les obsessions ou les compulsions, de comprendre les raisons de telle ou telle pensée intrusive et de faire diminuer la culpabilité.

FAQ TOC et Psilocybine

Est-ce que la psilocybine soigne le TOC ?

L’apaisement qui suit un voyage psychédélique est si puissant que le niveau général d’anxiété baisse considérablement. Cela peut faire diminuer les pensées obsessions. Mais ce n’est pas la psilocybine qui soigne le TOC. Les substances psychédéliques permettent de mieux comprendre ses symptômes et de travailler dessus pour prendre de la distance. C’est véritablement ce travail personnel qui permet d’avancer sur le long terme. Dans une retraite psychédélique, les sessions d’intégration permettent de démarrer ce processus.

Pourquoi souffre-t-on de TOC ?

Il existe peut-être une prédisposition génétique au TOC. Mais, dans l’absolu, ce sont surtout l’anxiété et le syndrome de stress post-traumatique qui sont susceptibles de le déclencher. C’est justement parce que le TOC concerne la sérotonine, l’anxiété et les aspects traumatiques que la psilocybine peut jouer un rôle favorable dans sa prise en charge.

Peut-on prendre de la psilocybine avec un traitement ISRS ?

Les antidépresseurs Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de Sérotonine ne sont pas compatibles avec la consommation de champignons à psilocybine. Pour pouvoir participer à une expérience psychédélique, il faut donc arrêter temporairement le traitement progressivement et sous contrôle d’un médecin.

Où faire une thérapie assistée par psilocybine contre les TOC ?

Pour le moment, seul l’Oregon propose la thérapie psychédélique contre les TOC. Les places sont limitées. À la place, de nombreuses personnes choisissent de réaliser leur expérience dans une retraite aux Pays-Bas ou en Jamaïque où elles sont légales. Attention toutefois, les retraites ne proposent pas de thérapie assistée, mais une expérience psychédélique supervisée.

Combien de temps la psilocybine agit-elle ?

La psilocybine reste très peu de temps dans le corps humain, mais son effet sur la plasticité cérébrale dure plusieurs mois. En revanche, difficile d’être très précis tant il existe de variables, physiologiques, psychologiques ou propres à la dose ingérée.

Est-ce que l’Ayahuasca fonctionne contre le trouble obsessionnel compulsif ?

Le lien entre TOC et Ayahuasca est peu étudié. Sur le principe, il est possible que les effets soient similaires à la psilocybine mais des recherches seraient nécessaires pour l’attester. Mieux vaut être très prudent car un voyage à l’Ayahuasca est plus éprouvant et il n’existe pas de retraite Ayahuasca légale en Europe.

Image de freepik et benzoix, infographie de ncbi.nlm.nih.gov


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