Une décision qui change la donne

Le 18 juin 2025, presque en catimini, la Nouvelle‑Zélande a posé un jalon historique dans le traitement des troubles mentaux : le Dr Cameron Lacey devient le premier psychiatre du pays autorisé à prescrire de la psilocybine. Un mot longtemps associé aux champignons hallucinogènes, au flower power et aux raves. Désormais, il s’invite dans les protocoles médicaux les plus stricts.

Pour les patients souffrant de dépression résistante, cette autorisation représente un espoir inédit. Mais l’accès à cette molécule salvatrice se heurte aussitôt à des barrières économiques et juridiques redoutables.

Ce que dit la loi néo-zélandaise

La Misuse of Drugs Act 1975 est catégorique : la psilocybine est classée comme substance de classe A, aux côtés de la méthamphétamine et de l’héroïne. 

Cela signifie que toute possession, culture, vente ou usage en dehors d’un cadre strictement médical reste interdite et pénalement réprimée. Les peines vont jusqu’à la prison à vie pour trafic, et six mois de détention pour simple possession.

Pour contourner cette interdiction sans modifier la loi, les autorités sanitaires s’appuient sur une seconde base légale : la Medicines Act, via laquelle Medsafe peut accorder une autorisation ponctuelle à des professionnels qualifiés, à condition qu’ils s’engagent à un suivi rigoureux. C’est dans ce contexte que le Dr Cameron Lacey a obtenu une dérogation d’utilisation des champignons magiques qui pourrait faire date.

Une autorisation… très limitée

Un seul médecin habilité

L’autorisation délivrée au Dr Lacey ne concerne qu’un usage thérapeutique très ciblé. Elle permet de prescrire de la psilocybine à des patients adultes atteints de dépression résistante à deux traitements conventionnels.

Un protocole strict

L’autorisation exceptionnelle délivrée en Nouvelle-Zélande prévoit un protocole bien défini :

  • Plusieurs séances de préparation psychothérapeutique ;
  • Une séance de huit heures sous surveillance médicale ;
  • Un accompagnement post-expérience.

Aucun autre trouble psychique (anxiété, stress post-traumatique, alcoolisme) n’est concerné. Aucun médecin généraliste, psychologue ou naturopathe ne peut aujourd’hui s’inscrire dans cette démarche. Et la possession personnelle de champignons reste un délit criminel.

Un traitement à plusieurs vitesses

C’est l’un des paradoxes les plus frappants de cette avancée : la psilocybine est autorisée mais reste hors de portée financière pour la majorité.

Un traitement élitiste ?

En Australie ou aux États-Unis, les traitements comparables coûtent entre 5 000 et 20 000 euros, un chiffre que Dr Lacey espère faire baisser sans donner de garantie.

En l’absence de remboursement public ou privé, l’accès dépendra entièrement du pouvoir d’achat du patient. Or, cette condition économique exclut de facto les groupes sociaux les plus fragiles, y compris les populations māori, déjà surreprésentées dans les statistiques de dépression résistante. Le risque est clair : créer une médecine à deux vitesses, où seuls les privilégiés bénéficient de traitements de pointe.

À l’inverse, aux Pays-Bas, les retraites psilocybine les moins chères coûtent environ 1800 euros. Mais elles sont considérées comme non thérapeutiques.

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Pourquoi ce virage maintenant ?

Plusieurs facteurs expliquent cette ouverture réglementaire. Les études internationales (notamment publiées dans The Lancet ou Nature) montrent que la psilocybine peut induire une rémission chez jusqu’à 67 % des patients en échec thérapeutique.

De plus, l’Australie a déjà ouvert la voie depuis 2023, suivie par le Canada et certains États américains. La Nouvelle‑Zélande, souvent prudente mais pragmatique, s’aligne progressivement. Le Dr Lacey et plusieurs associations locales militent justement depuis quatre ans pour offrir une alternative aux patients en impasse.

Cependant, il s’agit pour l’instant d’un test à petite échelle. Et il faudra sans doute plusieurs années pour évaluer les résultats et envisager une généralisation.

Ce qui reste formellement interdit

Malgré cette avancée ciblée, l’illégalité de la psilocybine demeure pour le reste de la population :

  • La possession personnelle, même pour usage thérapeutique auto-diagnostiqué, reste un crime.
  • La culture de champignons contenant de la psilocybine est interdite.
  • Toute vente, partage ou production artisanale expose à des poursuites pénales.
  • Les autres usages médicaux (hors dépression résistante) ne sont pas reconnus.

Une décision entre prudence et paradoxe

La Nouvelle‑Zélande expérimente une forme de légalisation minimaliste, à la fois pionnière et restrictive. Elle reconnaît la valeur médicale d’une substance longtemps diabolisée, tout en en limitant l’accès.

Le pays a choisi de ne pas révolutionner sa législation, mais de créer un corridor étroit pour tester un modèle de soin. Ce choix prudent reflète un équilibre entre innovation médicale et conservatisme juridique.

Mais le véritable défi est devant : rendre cette thérapie accessible, équitable et durable, sans reproduire les fractures sociales observées dans d’autres domaines de la santé mentale. Car au fond, une molécule ne sauve personne si elle reste enfermée derrière les murs d’une clinique privée.