Isaac est un américain de 48 ans qui gère plusieurs entreprises dans une grande ville. Pour la première fois de sa vie, il a participé à une retraite aux Pays-Bas après être passé par plusieurs épisodes de stress et de dépression.
« Il me semble connaître les psychédéliques depuis de nombreuses années »
Cela fait combien de temps que les psychédéliques vous intéressent ?
C’est très récent, mais ma première expérience était tellement intense qu’il me semble connaître les psychédéliques depuis de nombreuses années. Maintenant, c’est devenu une passion, je lis tout ce qui concerne le sujet et j’écoute de nombreux podcasts. Je suis comme un gamin qui viendrait de voir un film de pirates et qui ne penserait plus qu’à ça : bateaux, trésor, île mystérieuse, etc. J’ai l’impression d’avoir retrouvé cette capacité enfantine à vouloir s’approprier un nouveau sujet et à s’immerger sans réserve dans cet univers foisonnant.
Pour tout vous dire, j’ai même pensé à organiser ma propre retraite avec des amis !
Avez-vous déjà été traité pour l’anxiété ou des symptômes de dépression ?
J’ai connu 2 épisodes de dépression dans ma vie, l’un a été traité avec un antidépresseur et l’autre avec une thérapie EMDR. Chaque période de dépression était isolée. Elle se manifestait suite à un événement choquant et douloureux, puis s’atténuait avant de disparaître. En revanche, j’ai été anxieux la plupart de ma vie mais je n’ai jamais été traité pour cela, sauf en thérapie.
D’ailleurs, la thérapie fonctionne bien pour supporter l’anxiété au quotidien mais, pour le moment, elle n’a jamais pu la régler. Donc j’ai toujours vécu avec.
« Les gens ont dû me prendre pour un fou »
Comment avez-vous essayé la psilocybine la première fois ?
J’ai lu le livre de Michael Pollan et j’ai vu sa série documentaire sur Netflix et cela a immédiatement attiré mon attention et mon intérêt.
J’avais régulièrement des moments étouffants, un cocktail de désespoir et d’impuissance, qui débouchaient sur des questionnements sans fin, jusqu’à l’épuisement. Quand j’ai vu le documentaire sur la psilocybine, j’ai immédiatement su que je voulais expérimenter le composé pour voir s’il pouvait améliorer mon quotidien.
8 semaines après avoir vu le film, je prenais un congé pour aller passer 6 jours en Europe. Très franchement, je n’ai pas hésité une seconde, les gens ont dû me prendre pour un fou !
Quelle a été votre expérience avec la psilocybine ?
Mon expérience était tout simplement incroyable ! C’est difficile à mettre en mots, car c’est un moment ineffable mais je vais essayer d’expliquer ce qui s’est passé :
Pendant quelques longues minutes après la prise des truffes, il ne s’est rien passé. Je commençais à être déçu quand j’ai commencé à voir de belles couleurs bouger et danser devant moi. C’était très proche des images kaléidoscopiques généralement associées aux psychédéliques dans les clips ou les films.
La musique jouée pendant la cérémonie psilocybine était intense et dramatique. À ce moment-là, tous mes sens étaient connectés. Avec l’atmosphère musicale, les images se sont rapidement transformées en sentiments, comme des bouffées émotionnelles remplis de formes et de couleurs en mouvement. Ce qu’on ressent est difficile à expliquer car il n’y a aucun équivalent, c’est absolument unique.
Ensuite, je me suis senti très fatigué, ce qui est quelque chose que j’éprouve souvent dans ma vie. J’ai attrapé mon oreiller pour aller dormir et échapper à ce sentiment (comme je le ferais dans la vie réelle, où j’ai tendance à dormir sur mes problèmes).
En fait c’était l’après-midi et j’étais complètement éveillé. Il était donc impossible de dormir. La fatigue et la douleur sont devenues si intenses que c’était insupportable. J’ai pensé que je serais mieux mort que de souffrir comme ça…Cette phase n’était pas longue, peut-être 20 minutes, mais elle m’a semblé durer une éternité.
Au fil de ce moment très difficile, quelque chose s’est fissuré et les émotions ont jailli de moi, j’ai demandé de l’aide, un facilitateur a pris ma main et j’ai pleuré comme un bébé tout en ressentant très profondément l’amour qui m’entourait. Je n’avais plus aucune gêne, aucun filtre, aucune appréhension : c’était un moment de béatitude !
Vous avez compris d’où venait cette douleur ?
Oui, mais plus tard. J’ai pu relier mon expérience à un moment de mon enfance. J’avais demandé de l’aide à ma mère alors que je me sentais vraiment mal, et elle a rejeté ma demande. À partir de ce moment-là, je n’ai plus jamais demandé d’aide dans ma vie et j’ai donc parfois pu me sentir très seul.
La douleur a été refoulée et est devenue inconsciente, créant de l’anxiété et parfois de la dépression. Grâce à cette expérience, j’ai eu l’occasion de faire face à ma douleur. Le processus s’est fait en 3 temps : j’ai identifié l’origine de ma détresse, je l’ai comprise et je l’ai surmontée en dissolvant la croyance limitante que je devais affronter toutes les difficultés seul. Depuis lors, il est beaucoup plus facile de demander de l’aide et mon anxiété a disparu.
Pourquoi se tourner vers une substance illégale ?
En réalité, ce n’était pas illégal car j’ai essayé cela lors d’une retraite légale aux Pays-Bas, où l’utilisation et la consommation de la truffe de psilocybine sont autorisées sans restriction. Il y a bien une appréhension vis-à-vis des molécules psychédéliques, mais elle provient davantage des restrictions politiques que de réels témoignages négatifs sur le sujet.
Après ma première cérémonie, je me suis simplement demandé pourquoi cette substance est interdite dans la plupart des pays du monde. J’ai pensé que tout le monde devrait avoir le droit de faire une telle expérience et que cela pourrait changer le monde !
Il y a une forme d’injustice dans le fait qu’un produit naturel soit là, disponible pour aider des gens qui souffrent, et qu’une poignée de personnes décident de l’interdire. Ça ne me choque pas qu’on encadre les psychédéliques, mais je ne comprends pas qu’il n’y ait pas une remise en question des politiques actuelles. Il y a suffisamment de recherches et de témoignages pour que ça pose question.
Lorsque j’ai commencé à parler des psychédéliques autour de moi, je me suis rendu compte qu’il y avait, en fait, pas mal de gens dans mon entourage aux États-Unis qui avaient déjà essayé.
« Je n’ai plus du tout ce phénomène de montagnes russes émotionnelles »
Avez-vous ressenti une diminution de votre anxiété ou de votre dépression depuis ?
Oui, en fait mon humeur est maintenant très stable. Je n’ai plus du tout ce phénomène de montagnes russes émotionnelles. Cela fait maintenant quelques mois… Je me supporte mieux et je pense que les miens aussi !
Je me sens beaucoup plus ouvert maintenant. Comme je le disais, je fais plus facilement confiance et je n’hésite pas lorsque que j’ai besoin d’aide. Je souris même aux gens dans la rue. Ils sont surpris, mais la plupart du temps, ils sourient en retour !
Les gens disent souvent que la retraite psychédélique est l’un des moments décisifs de leur vie. Et vous ?
Je suis tout à fait d’accord, c’est l’expérience la plus extrême et la plus transformatrice de ma vie ! Au-delà de la retraite, les psychédéliques sont entrés dans mon existence comme un centre d’intérêt très stimulant et je continue à beaucoup lire sur le sujet.
En abordant les questions de la santé mentale, on apprend énormément sur les gens. C’est passionnant car chacun à ses propres techniques pour s’en sortir. C’est dommage que la question de créer des retraites pour la dépression ne soit pas plus présente dans la société.
Pensez-vous avoir besoin d’en reprendre ?
Absolument oui. Pas maintenant car je ne ressens pas le besoin – plus d’anxiété ni de dépression. Mais je vais réessayer pour l’expérience spirituelle et le voyage intérieur fabuleux. Ensuite, j’aimerais pouvoir en consommer de temps en temps, tous les 12 mois, ou même 18 mois, si ça me fait du bien. C’est comme un grand nettoyage émotionnel.
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